Portraits Libanais

Sayed Morcos Douaihy: L’homme qui danse sur la montagne !

Crédit photo: Carmen Salloum de l’Académie libanaise des Beaux-Arts

Grande est la différence entre aimer son village et vivre pour lui. Sayed Morcos Douaihy, militant écologiste par excellence, réussit à allier les deux. Allons à la rencontre de cet homme modeste dans la vie mais grand dans l’œuvre.

Sayed Morcos Douaihy, natif de Ehden, a à son actif des milliers d’arbres plantés et des dizaines de sentiers battus. Nous l’avons rencontré le samedi 27 avril 2024, sur son territoire à la lisière de la célèbre réserve de Ehden. Il nous accueille tout sourire, prêt à nous confier la plus belle histoire d’amour qui soit: l’amour de la terre.

De l’inspiration à l’aspiration

Des forces majeures l’ont poussé à quitter l’école à l’adolescence et à choisir le métier de coiffeur pour hommes comme moyen de subsistance mais petit à petit le traintrain quotidien l’étouffe et le besoin de s’évader devient de plus en plus pressant. Il se réfugie alors dans les bras de la nature Ehdéniote où il fait la connaissance de la vallée, de la forêt, du chemin sinueux et de tout ce qui en fait l’essence. Animaux, insectes, papillons, plantes n’ont désormais plus de secret pour lui. Sayed raconte les yeux brillants : « J’ai passé des journées et des journées à sillonner la forêt d’Ehden que je me suis appropriée. Et là, j’ai appris l’amour de la liberté. Là j’ai su que toutes les créatures de Dieu sont uniques et existent pour accomplir une certaine mission ».

Notre marche nous conduit à Bab LBouab, la porte de la forêt « qui s’ouvre à tous », un chemin tortueux, récemment planté de 30 jeunes cèdres. Au beau milieu de la promenade, notre Abou Chajra – le surnom qu’on lui donne- explique:

De cet endroit où nous nous tenons jusqu’à la réserve, j’ai planté en un mois 14 000 arbres. Un vrai défi pour moi.

Puis il tend le bras vers la gauche: «Regardez la fameuse montagne de Saydet Al Hosn qui se dresse devant nous, son flanc aride m’a inspiré. Un simple regard m’a suffi: je dois lui rendre sa beauté d’antan. L’histoire a commencé avec 3 jeunes pousses et depuis, à l’aube comme au crépuscule, j’avance, la pioche dans une main et le râteau dans l’autre, je sarcle, je bêche, je sème et j’arrose. Cette montagne a affermi mon identité, m’a servi d’abri et d’appui tout en renforçant ma croyance. » Après 9 années d’efforts personnels et acharnés, les gens finissent par « apercevoir » puis « voir » le vert partout. La société civile, les ONG et la municipalité suivent et mettent la main à la pâte.

Sayed Morcos, une leçon de vie, un modèle à suivre

Sayed Morcos Douaihy

Par ailleurs, les sentiers de randonnée jadis creusés par les ancêtres sont actuellement entretenus et restaurés par notre hôte désireux de rouvrir les frontières de Ehden la naturelle: la vallée de Qannoubin, les Cèdres, kornet al Sawda et Bab LBouab sont à nouveau reliés. Ils accueillent été comme hiver des centaines de randonneurs de tout le Liban et de l’étranger qui les arpentent profitant de l’air vif et pur, du ciel au bleu incomparable et du panorama beau à couper le souffle. Parsemés de moulins à vent et à eau, ces droub étaient empruntés par les villageois qui descendaient moudre leur blé et troquer leurs marchandises. Notre Ehdéniote aspire à dévoiler aux voyageurs la mémoire du village, la solidarité entre les habitants d’autrefois, l’amour des aïeux pour cette terre qu’ils nous lèguent, cette terre qu’ils ont su garder malgré les soubresauts de l’Histoire.

En somme, la visite se termine sous une légère brume printanière. Nous quittons les lieux empreints de bonne volonté et du désir d’avancer à la trace de cet homme particulier, tenace, aux paroles inspirantes qui s’acharne à poursuivre son dernier dessein: grimper encore plus haut et plus loin pour planter des genévriers à 3,088 m d’altitude. Il souhaite que son action influence les jeunes Libanais, qu’elle les transforme en citoyens du monde.

Hommage à sa persévérance et à son amour démesuré pour son village. Hommage à cet ancien coiffeur qui n’a gardé de son métier provisoire que le miroir où se reflète une âme avide de changement.

Portrait écrit par: 

Louisa Rita Zakhia, Rosy Fadlallah, et Rosalinda Abboud de l’Ecole des Filles de la charité (Zgharta)

Dans le cadre du projet “Plumes engagées, la jeunesse libanaise s’exprime” porté par l’Institut français du Liban à l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre 2024 en France, en partenariat avec L’Orient-Le Jour , l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba)YOMKOM, avec le soutien d’ALAMsuisse et ChangeLebanon!

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