Crédit photo: Eliana Abou Chabke de l’Académie libanaise des Beaux-Arts
La chèfe de l’établissement scolaire Imam Al-Jawad de Rayak a révolutionné le secteur éducatif dans la Békaa. La tâche n’a pas été facile. Mais son établissement qui jouit d’une excellente réputation compte aujourd’hui plus de 4450 élèves.
« L’inclusion est une mission. C’est un service social et humanitaire. La diversité est une culture ». C’est par ces mots que Souad Merrah, directrice du Lycée Imam Al-Jawad de Rayak, dans la Békaa, justifie son engagement pour l’inclusion scolaire, autrement dit la scolarisation dans les classes classiques d’élèves en difficulté scolaire et à besoins spécifiques. « Un enjeu primordial », précise-t-elle à notre équipe, dans les locaux de l’institution où nous l’avons rencontrée.
Fondé en 1990, l’établissement scolaire qu’elle dirige depuis 2012 avait d’abord pour mission d’accueillir de jeunes orphelins. Mais depuis que cette ingénieure d’état issue de l’École polytechnique d’Alger, détentrice d’un master en éducation appliquée, défend sa vision de l’école, les élèves affluent de toute la région. Souad Merrah a en effet révolutionné le domaine éducatif dans la Békaa. Pour que ses élèves aient l’espoir d’un avenir meilleur, elle a jumelé les enseignements classique et inclusif. Ses efforts ont payé et après avoir gagné la confiance des parents d’élèves, son établissement compte cette année plus de 4450 élèves. « Tous les élèves ont droit à un enseignement de qualité. L’inclusion tient compte des besoins de chacun », souligne-t-elle encore. Cerise sur le gâteau, l’établissement affiche un taux de réussite de 100% aux examens officiels libanais, faisant sa fierté et celle de son équipe. « L’école fait aussi partie des établissements arabes dédiés aux élèves surdoués », annonce Madame Merrah.
Répandre l’idée de l’inclusion n’a pas été facile
Les défis, Souad Merrah en a rencontrés pour développer son projet. « Répandre l’idée de l’inclusion dans notre école n’a pas été facile. Il a fallu pousser l’équipe à accepter le principe. Cela a exigé beaucoup d’efforts », se souvient Batoul Mortada, coordinatrice du système d’inclusion. « L’objectif de la directrice du Lycée Imam Al-Jawad était de délivrer un enseignement plus équitable. Sa persévérance lui a permis de surmonter les obstacles », ajoute-t-elle.
Pour répondre aux besoins de chaque élève, il a été nécessaire d’adapter les méthodes, les stratégies pédagogiques et les matériaux d’apprentissage. Il a aussi fallu former le cadre pédagogique. « J’ai moi-même bénéficié d’une formation diplômante en inclusion sociale et scolaire. Mme Merrah a financé mes études », révèle la coordinatrice. Egalement salué par ses collaboratrices, l’esprit d’organisation de la directrice « outre sa capacité de travail hors normes, elle est méthodique et très bien organisée », résume son assistante administrative, Zeinab Raya.
Autre défi pour Souad Merrah, redonner confiance aux enfants présentant des troubles d’apprentissage.
« Je souffre de dyslexie. J’ai été victime de harcèlement. Mais la directrice m’a encadré, développant mes talents artistiques.
Elle a même organisé une exposition de peinture où j’ai eu l’occasion d’exposer ma toile et de jouer du piano devant un public. Cela m’a rendu plus fort. Mes camarades m’apprécient depuis », déclare un élève, qui préfère ne pas donner son nom, se disant « heureux de vivre dans ce climat bienveillant ». « Ses élèves ont trouvé leur voie partout au monde », ajoute Zeinab Raya.
Guidée par les valeurs paternelles
A cette réalité, s’ajoute le défi personnel de la directrice d’origine algérienne, mariée à un Libanais. Mère de trois enfants, elle a travaillé dur pour mener de pair vie personnelle et vie professionnelle. Son admiration pour son père l’a d’ailleurs guidée dans sa mission. « J’ai toujours essayé d’appliquer les valeurs de mon père, un homme généreux, juste et modeste », relève Souad Merrah. C’est dans le respect des valeurs paternelles qu’elle est également engagée auprès de l’association humanitaire Al-Mabarrat, une association qui oeuvre auprès des orphelins, des plus démunis et des exclus de la société.
Madame Merrah accorde de l’importance à toutes les matières scolaires. Mais elle porte un amour particulier pour les mathématiques, à tel point qu’elle a rédigé des ouvrages qui sont devenus la matière première d’apprentissage des élèves. Elle encourage de plus tous les enfants, même ceux qui n’aiment pas les maths. « Cette matière scientifique est primordiale. C’est un pilier de l’intelligence artificielle», estime la directrice.
« Je détestais les maths et tous les théorèmes, raconte Mohammed, élève orphelin scolarisé au Lycée Imam Al-Jawad. Mme Merrah m’a encouragé à participer au programme innovant du calcul mental. Et désormais, je suis champion en mathématiques ».
« La directrice m’a appris à surmonter tous les obstacles avec persévérance et courage. Elle m’a poussé à canaliser mon énergie vers l’avenir. C’est mon idole et je l’apprécie énormément », renchérit Ali, élève de seconde.
La directrice ne s’arrête pas en si bon chemin et poursuit ses efforts pour donner le meilleur à ses élèves. « Non seulement, elle s’informe constamment des nouveautés dans le domaine éducatif, mais elle fait participer les élèves à des compétitions internationales pour leur donner une ouverture sur le monde », note Zeinab Hazimeh, responsable des ressources humaines. « En 2021, des élèves de l’institution ont participé au tournoi de robotique. Ils ont porté haut les couleurs du Liban », souligne-t-elle. « Son engagement est tout aussi fort pour ses enseignants qu’elle encourage à s’engager dans des projets susceptibles d’élargir les horizons universitaires des élèves, notamment le label FrancEducation », conclut Waël Mortada, directeur du cycle complémentaire.
Portrait écrit par:
Ali el Moussawi, Zeinab Mortada, Souad Merrah et Maryam Monzer (de gauche à droite) du Lycée Imam Jawad – Rayak
Dans le cadre du projet “Plumes engagées, la jeunesse libanaise s’exprime” porté par l’Institut français du Liban à l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre 2024 en France, en partenariat avec L’Orient-Le Jour , l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba), YOMKOM, avec le soutien d’ALAMsuisse et ChangeLebanon!
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