Nous y sommes, le 17 octobre à nouveau. La date qui rend nos battements de cœur plus spéciaux en nous rappelant leurs importances. C’est le premier anniversaire de ce qu’on nomme « la Thawra », un peuple blessé qui brûle d’envie de se tenir debout, après trop de temps maintenu à genoux. À l’approche de cette date, mes sentiments s’entrechoquent et je ressens deux désirs brûler en moi : crier et écrire.
Écrire car c’est la seule « arme » que je possède et crier car j’ai actuellement 21 ans, femme, étudiante, libanaise et survivante. Comme toutes les personnes de ma génération, nous survivons dans ce Liban meurtri depuis notre naissance à la recherche de sa gloire passée. Celle qui subsiste en chacun d’entre nous grâce aux rêves fragiles que nous ont transmis nos parents.
Souvent, je me demandais comment faisions-nous pour accepter ce déclin étourdissant, avant de me rappeler que depuis notre enfance nous sommes habitués à porter notre chère armure : la résilience. Car s’il y a bien une chose qui ironiquement n’a jamais craquelé jusqu’à maintenant, c’est bien celle-ci. Ce sentiment qu’on pense honorable de tout subir sans broncher, cette acceptation aveugle de conditions inhumaines qui nous donne l’impression d’être des surhommes.
Le 4 août dernier une partie de notre âme nous a été arrachée après l’explosion du port de Beyrouth, classée 3ème explosion la plus forte derrière Hiroshima et Nagasaki. Nous avons entendu une énième fois, cette phrase devenue à force coutume : « Le Liban se relèvera de ses cendres comme toujours tel un phénix ! »
Mais que fait-on si nous ne souhaitons plus être un phénix ? Que fait-on si nous ne souhaitons plus porter cette armure si lourde ?
Il y a un an jour pour jour, j’ai pris mon courage à deux mains pour publier un texte sur mon ressenti du 17 octobre, et j’y avais écrit que ce soir-là un peuple est né. 365 jours plus tard je le pense encore mot pour mot. Je ne suis pas naïve ou optimiste à outrance, je sais bien que les composants du système politiques libanais se sont révélés encore plus corrosifs qu’on ne le pensait. Car le pays est en miette mais l’élite politique est toujours présente, au grand dam du peuple.
On dit d’ailleurs que le peuple est l’entité sur laquelle s’exerce le pouvoir et c’est là où je suis, c’est là où nous sommes tous pour la plupart. On dit aussi que ce même peuple est trop divisé dans sa révolte, qu’il a plusieurs points de désaccords, que la révolte a échoué et se retrouve dans une impasse. Mais qui a-t-il de plus primordial que la prise de conscience ?
Pour évoluer physiquement il faut d’abord évoluer mentalement.
Le 17 octobre sonne le ras-le-bol de la résilience et du souhait de devenir à la place du phénix, un oiseau normal et serein, admirant la mer du haut du cèdre ou il est perché.
Bien sûr, j’ai mal au cœur quand je vois qu’une partie de nous est incapable de tirer des leçons du passé et préfère rester dans ce terrible quotidien. Néanmoins, nous avons déclenché ce que j’ose nommer une révolution intellectuelle qui prend de l’ampleur silencieusement, et que personne ne pourra arrêter.
Nul ne peut dire quel sera l’avenir du Liban, si au final cette révolution sera un échec cuisant ou au contraire deviendra une réussite historique. Mais je suis persuadée que chacun d’entre nous peut contribuer au changement qu’on attend tous, car ça fait trop longtemps que nos cœurs saignent. L’avenir appartient à ceux qui savent se relever !
Alors je crie et j’écris!
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