Portraits Libanais

Cosette Saad ou comment contrer le destin avec du pain

Crédit photo: Prisca Akiki de l’Académie libanaise des Beaux-Arts

« Cosette, tu es menacée de paralysie ! »  Les paroles du médecin claquent comme un fouet ! Alors qu’elle a à peine 12 ans, la jeune fille découvre être atteinte de myopathie, une maladie génétique qui s’apparente à un genre de dystrophie musculaire, et qui risque de chambouler sa vie. Du jour au lendemain, son monde bascule.

Que faire ? Cosette Saad, décide de prendre son courage à deux mains et de défier son destin. Avec le soutien que lui apporte l’école des filles de la charité – où elle a fait ses études et envers qui elle est encore reconnaissante -, elle intègre la boulangerie de M. Roger qui lui enseigne la façon de faire. Petit à petit, Cosette Saad, apprend les bons gestes et commence à préparer son levain et à pétrir la pâte. Des mouvements et une routine qu’elle ne cesse de répéter et qui représentent sa propre « thérapie » quotidienne au sein de sa boulangerie, située sur la rue de la maison centrale des Filles de la Charité, sur la place Sassine, à Achrafieh.

Croyant fort en la devise « faire du pain n’est pas un métier, c’est une passion », Cosette Saad commence à travailler chaque matin alors que la ville sommeille encore. Elle prépare sa pâte puis laisse la magie de la fermentation opérer grâce au précieux levain naturel. Ce dernier confère au pain son aspect et son odeur agréable. Deux heures plus tard, elle la façonne en miches rondes qu’elle laisse reposer quelques heures. Lorsque les pâtons doublent de volume, la boulangère y crée des motifs élégants avec son couteau. D’un geste assuré, elle les place ensuite au four et attend qu’ils deviennent dorés et croustillants.

Constamment encouragée par ses clients qui apprécient sa ténacité, la propreté remarquable de sa boulangerie et l’odeur de son pain, Cosette Saad se fait plaisir et n’hésite pas à se lancer dans de nouveaux produits. Ses talents sont notamment mis en valeurs pendant les périodes de fêtes où la boulangère prépare des pains à l’olive, des brioches, des cookies et d’autres délices culinaires qui émerveillent les papilles de ses clients.

Outre cet aspect, certains de ces clients tiennent aussi à soutenir cette battante, qui malgré le fait d’avoir toutes les raisons de laisser tomber, ne se plaint jamais, fait preuve d’endurance et est toujours de bonne humeur.

Une de ces clientes avoue ainsi qu’en plus du fait de ne pas pouvoir résister à ce pain doré, elle revient toujours grâce au sourire si chaleureux de Cosette.

Ce sont aussi ces mêmes personnes qui inspirent la boulangère. Cosette Saad indique ainsi puiser sa motivation de ceux qui fréquentent sa boulangerie, de la joie qu’elle aperçoit sur leurs visages lorsqu’ils reçoivent leurs pains, et de leurs mots d’encouragement. Et lorsque les choses se sont compliquées, ce sont ces mêmes personnes qui sont venues à son aide.
Alors que le Liban plonge dans une crise économique sans précédent, et qu’elle fait face à de nombreux défis, ses clients fidèles et ses voisins généreux ont été là pour elle. Bien qu’elle manquait parfois de farine, ou qu’elle travaillait à la lueur de la bougie pendant d’autres moments, s’inquiétant de la conservation de la pâte, elle avoue qu’elle a pu tenir bon grâce à ses clients.

Ce soutien se concrétise aussi à un autre niveau. Cosette Saad, n’ayant pas accès aux réseaux sociaux, peut compter sur les habitants de son quartier qui font sa publicité et recommandent sa boulangerie à leurs proches et leurs amis.

Portrait écrit par: 

Jamie Challita, Marita Maamary et Christelle Mouawad (de gauche à droite) de l’École Saint Vincent de Paul des Filles de la Charité-Clémenceau

Dans le cadre du projet “Plumes engagées, la jeunesse libanaise s’exprime” porté par l’Institut français du Liban à l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre 2024 en France, en partenariat avec L’Orient-Le Jour , l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba)YOMKOM, avec le soutien d’ALAMsuisse et ChangeLebanon!

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