Economie

Liban, quel effet sur l’économie quand un système bancaire ne fonctionne pas correctement ?

Le Liban passe depuis 2019 par une très forte crise bancaire. Depuis (non pas à cause de) la révolte d’Octobre 2018, le système bancaire ne fonctionne plus normalement, non seulement les libanais n’ont plus accès à leur argent, mais surtout les banques ne jouent plus leur rôle de faciliter les transactions financières entre les différents acteurs économiques. Elles fonctionnent plutôt comme des caisses à sous. Le gouvernement lui non plus ne joue pas son rôle de réguler le fonctionnement des banques, en imposant un contrôle des capitaux par example. Mais dans un système normal, quel est le rôle d’une banque? Et quelles sont les répercussions du dysfonctionnement des banques sur l’économie ?

Il est très important de faire la différence entre le système bancaire et les banques elles-mêmes

Le système bancaire désigne l’ensemble des institutions et des règles qui régissent le fonctionnement des banques et des autres établissements financiers, c’est un ensemble plus large qui comprend la BDL banque centrale du Liban, les banques, mais également d’autres acteurs tels que les régulateurs, les infrastructures de paiement, les courtiers, les sociétés de gestion d’actifs, etc.

La Banque du Liban contrôle l’entrée au secteur bancaire, définit le champ d’activité des banques et dresse les éthiques et les règles qui régissent le secteur. La Commission de Contrôle des Banques  est l’autorité de supervision. Elle supervise les activités des banques et s’assure de l’application des lois et des règles en vigueur.

Au Liban, la plupart des banques sont les propriétés de particuliers locaux, ils sont actionnaires de ces banques, qui sont donc une partie importante mais pas la totalité du système bancaire.

Mais les dégâts aujourd’hui ne sont portés que par les dépositaires, alors que les actionnaires de ces banques qui ont suivi le mismanagement de la BDL aveuglément ou intentionnellement et qui voyant la situation ont transféré une grande partie de leur argent à l’étranger en l’absence de contrôle de capitaux s’en tirent allègrement. Selon une étude publiée par Kas Lebanon, la cause et la responsabilité de l’effondrement bancaire actuel est la mauvaise gestion de la Banque Du Liban par son « ingénierie financière qui a conduit à des réserves nettes négatives, aux côtés de la mauvaise gestion des banques qui ont mis environ 80 % de leurs ressources de dépôts en dollars à BDL, portant ainsi leur liquidité en dollars à un très faible 7 % pour des profits extraordinaires mais à très court terme .

Plus de 38 milliards de dollars sont portés disparus. L’explication raisonnable et probable est que la plupart correspondent aux bénéfices bancaires transférés en $ à l’extérieur du Liban, non pas en faveur des banques mais en faveur de leurs principaux actionnaires .

Indépendamment de l’effondrement bancaire, l’effondrement de la livre à 95% est le résultat d’une politique de laxisme de la part du gouvernement et d’une corruption généralisée, faisant vivre le Liban pendant des années au-delà de ses moyens dans le contexte d’un taux de change fixe et d’un équilibre sans précédent de paiements en déficit depuis 2011. »
C’est pour cela, il est important de faire la différence entre remettre en question les banques et leurs actionnaires qui est une chose et tout le système bancaire qui en est une autre. Pour comprendre, il faut comprendre le rôle d’une banque et comment elles sont gérées au Liban.

Quel est le rôle d’une banque?

Le rôle d’une banque est de fournir des services financiers pour répondre aux besoins de ses différents clients, tels que les particuliers, les entreprises et les gouvernements et de maintenir la stabilité financière en gérant les risques liés aux activités bancaires.

Les banques remplissent un certain nombre de fonctions importantes, notamment :

Les dépôts

Les banques collectent les dépôts de leurs clients, qui peuvent être utilisés pour financer des prêts et d’autres opérations bancaires.

Octroi de prêts

Les banques prêtent de l’argent à leurs clients, que ce soit des particuliers ou des entreprises, pour financer des projets ou des achats importants. Les prêts peuvent être assortis d’un taux d’intérêt, qui est une rémunération pour le risque pris par la banque. Ils sont aussi cautionnés par une garantie , salaire ou propriété.

Gestion de risques

Les banques gèrent les risques liés aux prêts et aux autres activités bancaires, tels que les risques de crédit, de marché et opérationnels.

Offre de services financiers

Les banques offrent une gamme de services financiers pour élargir les choix et faciliter la vie des clients, tels que des comptes courants, des comptes d’épargne, des cartes de crédit, des prêts hypothécaires et des services de transfert d’argent.

Investissement

Les banques peuvent investir l’argent des déposants dans une variété d’actifs, tels que des actions, des obligations et des biens immobiliers, pour générer des revenus pour la banque et ses clients.

Services de change

Les banques offrent des services de change pour permettre aux clients de convertir des devises étrangères.

Conseils financiers

Les banques offrent des conseils financiers et des services de planification financière pour aider les clients à gérer leurs finances personnelles.

Toutes les banques locales libanaises fonctionnent sous l’égide de la Banque du Liban (BDL)

Au Liban, toutes les banques fonctionnent sous l’égide de la Banque du Liban (BDL), qui est la banque centrale du pays. La BDL est responsable de la supervision et de la régulation du secteur bancaire libanais, ainsi que de la politique monétaire et de change du pays.

La BDL a pour mission de maintenir la stabilité financière du pays en assurant la solidité et la sécurité du système bancaire. Elle exerce donc une surveillance étroite sur les banques, en veillant à ce qu’elles respectent les normes réglementaires.

La BDL fixe notamment le taux d’intérêt directeur de la banque centrale, qui sert de référence pour les taux d’intérêt des prêts et des dépôts.

En somme, la BDL est un acteur clé du système bancaire libanais, en assurant la stabilité et la sécurité du secteur, ainsi que la politique monétaire du pays.

Le financial engineering ou l’ingénierie financière qui a mal tourné

Effectivement les choses ont mal tourné depuis que la Banque du Liban (BDL) a mis en place une mesure appelée « financial engineering » pour stimuler l’économie libanaise. Cette mesure consiste à obliger les banques commerciales à lui prêter de l’argent à des taux d’intérêts avantageux, en échange de titres de dette libanaise à long terme.

La BDL a utilisé ces prêts entre autres pour financer des projets d’investissement dans le secteur de l’énergie, des transports, de la santé, de l’éducation. Cependant, cette mesure a été critiquée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, certains ont exprimé des inquiétudes quant à la soutenabilité de la dette libanaise à long terme. En outre, certaines banques ont soulevé des préoccupations quant au risque de liquidité, car elles doivent maintenir un certain niveau de liquidités pour répondre aux besoins de leurs clients.

En tout état de cause, il est important de noter que la mesure de « financial engineering » est une décision de la BDL, et que les banques commerciales avaient l’obligation de s’y conformer en tant qu’acteurs du système bancaire libanais.

Que se passe-t-il quand un système bancaire ne fonctionne pas ?

Lorsqu’un système bancaire ne fonctionne pas correctement dans un pays, cela peut avoir des effets importants sur l’économie nationale. Il peut avoir des répercussions négatives importantes sur l’ensemble de l’économie nationale. Il est donc important que les autorités compétentes, au Liban, la banque centrale et le ministère des finances spécifiquement mettent en place des mesures pour assurer le fonctionnement efficace et stable du système bancaire.

Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), le secteur des services, qui comprend le commerce et des sous-secteurs tels que les services financiers, les transports et les communications, l’immobilier, les services gouvernementaux et les services personnels, représentait environ 76,4% du PIB libanais en 2020.

Quelques impacts néfastes dont souffre aujourd’hui l’économie libanaise à cause de ce dysfonctionnement  :

Réduction de l’offre de crédit

Parce que les banques ne fonctionnent pas correctement, elles ne prêtent plus de l’argent,  l’offre de crédit n’est plus disponible pour les entreprises et les particuliers. Cela ralentit la croissance économique, car les entreprises ont du mal à obtenir les fonds nécessaires pour investir dans de nouveaux projets et les particuliers ne peuvent plus acheter des biens et des services importants qui auraient besoin de crédit.

Augmentation des coûts de financement

Parce que les banques ne fonctionnent pas correctement, les coûts de financement augmentent, les entreprises et les particuliers cherchent des financements autres, plus coûteux pour compenser les risques liés aux prêts. Cela rend le crédit plus cher et réduit l’investissement, ce qui paralyse et nuit à la croissance économique.

Effets sur la confiance

Si les consommateurs et les investisseurs perdent confiance dans le système bancaire, cela peut avoir des répercussions négatives sur l’ensemble de l’économie. Les consommateurs retirent leur argent des banques, ce qui peut aggraver les problèmes de liquidité et les investisseurs deviennent réticents à investir dans des entreprises ou des projets dans le pays.

Répercussions sur le commerce international

Parce que les banques ne fonctionnent pas correctement, cela affecte le commerce international en rendant plus difficile le financement des importations et des exportations. De nos jours, le commerce international reste un élément clé de l’économie libanaise. Les principales exportations du Liban comprennent des produits tels que les produits chimiques, les bijoux, les textiles, les produits pharmaceutiques et les aliments transformés. Les principaux partenaires commerciaux du Liban sont les pays de l’Union européenne, la Turquie, les États-Unis, l’Arabie saoudite et la Chine.

Nul besoin de répéter combien le secteur commercial libanais a été gravement affecté par la crise économique et financière que traverse le pays depuis 2019, et du coup l’impact négatif sur les exportations et les importations.  Les entreprises ont du mal à obtenir les fonds nécessaires et les devises étrangères pour payer les fournisseurs et les clients étrangers ne comprennent pas ses difficultés et peuvent être réticents à faire affaire avec des entreprises situées dans le pays.

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